Expérience – 3 jours dans un monastère

Séjourner dans un monastère n’était pas forcément sur ma Bucket List, c’est une expérience qui me tentait, par curiosité. C’est une occasion de prendre du recul par rapport au quotidien, de couper le portable, de se poser quelques bonnes questions, au calme.

 

Je précise que je suis catholique non pratiquant (disons une fois par an à Noël, les bonnes années). La religion n’était pas la motivation, plus l’expérience.

 

Loic Le Meur, celui qui a lancé les blogs dans les années 2000, parle dans une de ses newsletters, d’une expérience qu’il a fait aux US, dans un lieu retiré de tout. Le concept paraissait séduisant… Pas besoin d’aller en Californie, il y a 255 monastères où il est possible de faire une retraite (c’est le terme). J’avais entendu de retraites par des personnes assez croyantes (entendre catho convaincus, messe tous les dimanches et tout le reste ; je ne critique pas, mais ce n’est pas vraiment ma tasse de thé). Des paroles aux actes : j’ai demandé s’il y avait de la disponibilité en Janvier. C’est la période creuse, alors plongeon.

 

A noter : le monastère ne demande ni la religion, ni la motivation et n’impose rien. On vient en anonyme, on est accueilli. Si on on souhaite parler avec un moine, on peut ; sinon on peut passer un séjour sans voir personne ni sans assister à la moindre messe ou célébration. Si c’est le calme qui est recherché, c’est l’endroit idéal. Pour finir un livre, faire le point, méditer (ou pas), ou tout simplement en digital detox. En revanche, si c’est le monde et la frénésie, ce n’est pas du tout l’endroit (le silence est de mise, notamment aux repas, je reviens dessus). Comme je suis parfois un peu dogmatique, j’ai suivi exactement leur vie, mais personne n’y est obligé.

Le lieu d’abord : Ligugé, dans la Vienne (Poitiers, 1h 1/2 de Paris en train) est le plus ancien monastère du monde occidental, fondé en 534 par Saint Martin. Bâtisses de différentes époques, l’église est contemporaine et le cloitre beaucoup plus ancien.

Les moines Bénédictins ensuite. C’est un ordre fondé par Saint Benoit au 6ème siècle. La Règle dicte tout depuis 1,400 ans, du lever au coucher. Je perçois qu’elle a été adaptée avec le temps : les moines ont accès à Internet, j’ai vu des iPhone et les nouvelles du monde leur parviennent. En revanche, ils ont toujours une soutane à capuche noire (blanche pendant les célébrations), respectent le silence et beaucoup d’usages ancestraux.

 

Une vie quotidienne minutée

Première liturgie(lire célébration (sans communion donc)) : les Laudes  à 7h, messe à 8h30 puis travail jusqu’à 12h45. Nouvelle célébration (Sexte), suivie du repas. Le repas terminé, de nouveau liturgie (None) puis travail jusqu’à 18h. Célébration (Vêpres), diner à 18h30 puis Complies et enfin Vigiles à 21h.

Au total, 7h30 de travail et 7 célébrations. Inutile de dire que tout le monde est à l’heure. Les célébrations sont chantées, en partie en Latin. J’avoue avoir eu du mal (je n’écoutais plus trop). Finalement, c’est un peu comme la méditation : à force de le faire, on rentre dedans et on reste concentré.

 

Le repas en silence

J’ai pu participer aux repas, pris en silence (ça fait bizarre). Etant le seul retraitant ces jours là au monastère, j’ai mangé seul. Imaginez une grande salle, 8 m de hauteur sous plafond, une table au milieu et, en U, tout autour, 17 paires d’yeux qui vous regardent (ou pas). Je n’ai pas fait tomber ma fourchette. Je n’ai pas dit Merci (un hochement de tête plutôt) lorsqu’on m’a servi. Et j’ai écouté la lecture de la vie de Pie XII (un passage sur la deuxième guerre mondiale, assez intéressant). Le repas est copieux et bon, arrosé de vin (j’ai pris de l’eau) : Saint Benoit autorise un demi-litre de vin par moine par jour (tiens ils ont gardé cette règle là 😉 ). Un moment assez bizarre je dois dire. J’ai appris à écouter et à déguster.

 

Une vie en communauté, très organisée

La vie du moine est placée sous la responsabilité du Père Abbé qui représente le Christ. C’est lui qui guide ses frères qui lui doivent une obéissance complète. La communauté vient de tous les horizons et toutes les couches sociales. Fait étonnant à Ligugé : beaucoup de jeunes (la trentaine). Ils habitent en communauté, ce qui n’est pas forcément évident : 18 hommes de tous horizons, avec des parcours différents et avec parfois 30 ans d’écart, qui habitent ensemble 24 heures sur 24 (« le loft », toute la vie, heureusement avec des personnes un peu plus profondes).

 

Des moines avec enfants et jobs comme tout le monde

Depuis le dernier concile, l’Eglise accepte que les moines aient eu une existence « civile » avant. Du coup, je découvre des hommes entre 40 et 50 ans, qui ont été mariés et qui ont eu des enfants. Ils me disent que, finalement, leur choix a été difficile à accepter pour leurs enfants, mais plus encore pour leurs parents. Ils se sont retirés de la vie civile pour rentrer au monastère, appelés (sinon, honnêtement, je ne vois pas comment ils peuvent tenir).

 

Un quotidien, un peu comme le nôtre ?

Outre la prière, chaque jour est consacré au travail. Lors des ateliers la parole est autorisée. Les échanges sont nombreux et les frères se chambrent gentiment. J’ai demandé à participer à l’atelier pâtisserie qui consiste à fabriquer un gâteau vraiment bon (le SCOFA). Je dit vraiment bon car j’imaginais une pâtisserie sans trop de goût, achetée pour le symbole, et bien pas du tout… La recette vient d’une congrégation de religieuses ; on est dans une pâtisserie professionnelle, avec tout le matériel et les bons produits. Un genre de Meilleur Pâtissier au pays des moines (manque plus que Lignac et Mercotte). 

Selon la Règle, chaque moine doit travailler, les tâches ne manquent donc pas, affectées à tour de rôle : potager, cuisine, plonge, bricolage… les moines sont occupés, ils vendent du matériel sur leboncoin, reçoivent des entreprises pour faire des rénovations… Et c’est cadencé car les célébrations n’attendent pas. Parmi les ateliers, après la guerre, Ligugé a développé un atelier dédié à l’émail. Il est d’ailleurs assez connu puisque des artistes comme Braque et Manessier ont utilisé leurs services.

 

Vu de l’extérieur, la vie est assez dure, dans la mesure où elle oblige a beaucoup de discipline, des contraintes, des règles, une obéissance. D’ailleurs, un certain nombre de frères quittent le monastère. On imagine le retour à la vie civile après quelques années passées dans un monastère : tous les repères ont disparu, ce ne doit vraiment pas être évident. Tous le disent : il faut être appelé pour accepter cette vie. 

Je comprends ainsi que la tentation est grande : le monde extérieur, les moeurs, l’agitation du dehors, autant de choses qui n’existent pas dans le Monastère. D’ailleurs, me disait un frère : « on ne nait pas moine, on ne peut que mourir moine« . Tous savent qu’ils peuvent succomber à la tentation et arrêter. Je comprends aussi que beaucoup ont été dans d’autres monastères, Trappiste par exemple. Là on est dans le plus radical : levé à 4h tous les jours, silence absolu. A coté des Trappistes, me dit un frère en plaisantant :

« Le Bénédictins, c’est le Club Med »

 

Ce qui est intéressant, c’est que lorsque je lui parle de son engagement, un frère me répond « tu trouves notre engagement dur, mais nous trouvons votre engagement à vous, dehors, aussi très dur : vous marier, avoir des enfants, vivre dans cette frénésie, cela nous parait parfois insurmontable ».

 

Au final, que l’on soit croyant ou non, une retraite dans un monastère est une rencontre à faire : avec des hommes différents et avec soi (je ne pensais vraiment pas être capable d’autant de silence). A conseiller et à refaire (à mon avis, une fois par an, cela remet les pendules à l’heure).

 

Détails pratiques :

  • Durée : 3 jours max à mon avis si c’est la première fois. Je suis arrivé un dimanche, parti un Mercredi : très bien
  • Coût : vous déposez votre participation dans une boite aux lettres à la fin du séjour. Il n’y a rien d’obligatoire. Le monastère transmet à titre indicatif le coût d’un séjour pour eux, vous participez si vous voulez / pouvez. A Ligugé, vous coûtez 35 € par jour
  • tous les monastères proposant des retraites
  • l’ordre des bénédictins est, de ce que j’ai compris, l’un des plus intéressant pour des non habitués. Evitez les Carmélites, c’est un peu radical
  • Abbaye Saint-Martin de Ligugé (86) :