Méthode miracle (ou pas) pour recruter les bons

« First who then what” (Jim Collins – Good to Great)

« Embauche des gens plus forts que soi » (Steve Jobs)

« Je n’embauche pas des gens pour leur dire quoi faire » (Tim Cook)

Ça c’est la théorie 

J’ai croisé certains qui font le recrutement à l’instinct. D’autres utilisent l’intelligence artificielle ou exclusivement la recommandation. Chez Accenture, forcément, il y avait un process.

Le plus facile est de dire non très souvent et de filtrer. Mais là on passe peut être à côté d’un candidat génial.

C’est tout le dilemme du recrutement : pour savoir si on se plante, il faut embaucher… quid des très bons que l’on n’a pas retenu ?

Bref, jusqu’il y a 4 ans, dans mon imaginaire, recruter tenait du parcours du combattant et c’était un sujet épineux. Je faisais à l’époque un medley de techniques, sans trop trouver la cohérence. Par exemple, je posais les questions Google (je parle de question comme : « comment évacuer San Francisco le plus rapidement possible » – procédé qu’ils ont d’ailleurs abandonné pour certaines questions – ). Rien n’était vraiment satisfaisant.

Jusqu’au jour où je me suis vraiment penché sur la question

Depuis, j’ai trouvé une méthode originale mais surtout très efficace pour recruter.

Avant d’énoncer les étapes de la méthode, deux éléments à prendre en compte: 

  • 1/ je ne crois pas aux diplômes. Le filtre des diplômes (maladie très française et africaine) est ce qu’il est : juste un filtre. Ce n’est pas parce que tu as fait des études que tu es intelligent. Cultivé.e peut être mais pas forcément intelligent ou adapté pour le job. On me rétorquera que la personne qui a fait des études sait apprendre à apprendre. Comme un autodidacte curieux donc… Je reconnais qu’il y a des Sciences Po, des Normalien ou Polytechnique qui m’impressionnent par leur intelligence et qui sont brillants. Cela dit, je connais des gens très intelligents qui n’ont pas fait d’études… les études sont, pour moi, un filtre trop facile et surtout un marqueur social. Je ne les a jamais pris en compte
  • 2/ je ne crois pas au CV. 30% est de la flûte (ou plus) : la fonction est exagérée. La mission enjolivée. Les résultats augmentés. Un CV est l’équivalent d’un profil LinkedIn, Instagram (ou une photo Tinder) : toujours trop flatteur. Je ne perds pas de temps dessus.

Ensuite, je suis parti de trois biais personnels qui m’empêchent d’être performant :

  • j’adore les rencontres 
  • j’aime plaire/séduire
  • je pense que tout le monde peut y arriver 

Pour éviter ces biais et pour satisfaire à mes contraintes sur les diplomes et le CV, finalement c’était simple : il ne fallait pas avoir d’entretien physique.

Premier biais : le physique

Soyons honnête : dans la vraie vie, la décision d’embaucher (ou pas) une personne, lorsqu’on la rencontre physiquement, est prise quasi instantanément. Si vous recevez en entretien une personne séduisante du sexe opposé (et que vous êtes hétérosexuel) votre jugement est altéré. Si un détail physique vous dérange, vous êtes influencé.e. (voir l’excellente série Un Entretien sur Canal)

Donc, comment faire pour retarder la rencontre ? Voici les 3 étapes.

1/ Etape 1 : Filtre RH

Cette étape peut être réalisée par n’importe qui. Appel au candidat. 4 questions sont posées :

  1. Quelle est la situation actuelle (en poste / en recherche) ?
  2. À quel horizon êtes vous disponible ?
  3. Quel est le salaire actuel et les prétentions (sachant que nous vous demanderons un bulletin par la suite) ?
  4. Que cherchez vous ?

On laisse un message au pire avec demande de rappel. Si la personne ne rappelle pas sous une journée ==> out

Si l’entretien est concluant (adéquation entre le candidat et le poste), on explique la suite, c’est à dire :

  1. Rendez-vous pour une mise en situation
  2. Si la mise en situation est concluante, appel pour un entretien dans les locaux avec le décisionnaire final

2/ Etape 2 : Mise en situation 

Il s’agit d’un cas pratique que la personne prépare à l’avance et va présenter. Suivant le job, cela peut être une situation de vente, un cas marketing, le pitch d’une stratégie. L’idée est de prendre un cas que la personne pourra avoir dans son day to day. C’est applicable quelle que soit la position (jusqu’à CEO…). 

C’est le supérieur hiérarchique de la personne à embaucher qui fait l’appel de mise en situation.  Il n’a que le nom du candidat, n’a pas son CV et n’est pas allé voir sur LinkedIn

L’appel se déroule en 3 temps

  1. « Bonjour je suis Gilles, je recrute pour mon équipe. Cela paraîtra étonnant mais je n’ai que votre prénom, je ne sais rien de vous et je n’ai pas vu votre CV. En revanche, vous avez pu me chercher sur LinkedIn et voir qui je suis. Nous partons directement sur la mise en situation »
  2. Mise en situation
  3. Quand la mise en situation est terminée. Passer aux questions qui sont TOUJOURS les mêmes, pour des raisons d’équité. J’ai un set de questions que je pose, suivant le poste et la société. Nous élaborons cela avec la société avant

À la fin de la mise en situation, je demande si l’orthographe est un sujet pour mon interlocuteur. Si oui, je remercie de la franchise et précise que ce n’est pas rédhibitoire. Je demande une synthèse à envoyer dans les 15 minutes. Cela permet de voir si le candidat a pris des notes, ce qu’il retient et son orthographe (dans le cas où la personne devra interagir avec des tiers susceptibles de juger l’orthographe – vérifier aussi la sincérité à la réponse précédente). Depuis ChatGPT cette étape est un peu plus touchy, mais c’est le jeu ma brave Lucette…

Je précise ensuite qu’il y a plusieurs candidats et que je donnerai la suite par mail. La prochaine étape sera la finale. 

3/ Etape 3 : rencontre avec le dirigeant ou un autre manager 

A ce stade, il n’y a toujours pas eu d’entretien physique avec la personne. En revanche j’ai une idée assez claire de comment elle s’exprime. Deux possibilités:

  • je la veux dans mon Equipe ==> RV avec le dirigeant ou un autre manager 
  • j’ai un doute ou l’entretien n’est pas concluant ==> out

Pas d’étape du style : « rencontre la personne stp je ne suis pas sûr et j’ai besoin d’un autre avis »

Le.la dirigeant.e à le mot de la fin. C’est lui qui est le garant de la cohésion de l’équipe. Sa décision est sans appel

S’il s’agit d’un manager et que les avis divergent, il y a discussion. Si la discussion ne crée pas consensus, le candidat n’est pas sélectionné. 

Les résultats

J’ai expérimenté cette méthode sur plus d’une vingtaine de recrutements. Tout n’est pas dans ce texte car il y a quelques subtilités, notamment sur la mise en situation (étape clef), les questions récurrentes et le dernier entretien. Cela produit des résultats comme :

  • « On n’aurait jamais embauché cette personne avec notre ancienne manière de recruter »
  • « J’ai refusé de l’embaucher car il a refusé de me donner son bulletin de salaire (alors que c’était précisé dans l’entretien RH). Cela a confirmé le fait que la personne n’allait pas faire l’affaire »
  • « Au final je n’ai pas pris ce candidat car je ne le vois pas représenter mon entreprise, même s’il coche toutes les cases »
  • « Dis donc, il est super mignon ce candidat, tu l’as fait exprès ?! » (non car je ne l’ai jamais vu, il est compétent en plus…)

Ça t’intéresse ?! Délai de mise en place : 3 jours. Tu as mon mail je crois 😉

Publié dans RH