Afrique du Sud : moto enduro avec des potes que je ne connaissais pas

Je suis scootériste. Quand j’étais petit, j’étais motard. Je sais, j’ai honte. J’ai même un blouson qu’on dirait que je vais monter sur un gros cube alors que j’ai un scooter Peugeot 125 avec des aillettes vintage (il  a 12 ans). Bref, j’assume pas.

Mais quand j’étais petit, un copain m’a emmené faire du tout terrain dans les bois avec son frère (salut @Philippe, et encore merci). Depuis ce jour (c’était il y a au moins 20 ans), je me dis que le tout-terrain, c’est top. Bon, la vie passe et l’envie reste.

Et il y a quelques temps, à la danse (si, si, à la danse on trouve des mecs qui font de la moto tout terrain, ta femme n’arrête pas de te le dire, tu dois t’inscrire). Bref, à la danse, au détour d’une conversation, Jean-Marc tout bronzé me parle de son frère qui fait des trips d’enduro de dingue du coté de Cape Town en Afrique du Sud. Je regarde leur site et je lui dis que je suis partant. 6 mois plus tard (parce qu’il est très demandé), l’aventure commence.

Arrivée à Cape Town, je ne sais pas trop dans quoi je m’engage. Vais je tomber sur une bande d’allumés de la poignée droite qui ont des posters de l’enduro du Touquet dans leur salon ?

Des allumés de l’enduro du Touquet ?

Et bien non, je tombe sur des mecs normaux, tous cinquantenaires. Contrairement à moi, ce sont des sportifs (marathoniens, cyclistes à 200 bornes le week-end..), en forme quoi. Pour ne pas être trop en reste, j’ai fait une heure de salle de sport tous les jours de la semaine dernière (autant dire que je suis affuté comme un vieil Opinel et que, bon, en voyant les morceaux je me dis que je vais pas trop la ramener sur le fait que je suis le plus jeune).

Nous sommes 8 au total : 3 allemands, 4 français, 1 Sud Af’. Certains se connaissent et la mayonnaise prend très vite.

Pour nous détendre et nous montrer ce qui nous attend, Laurent, le boss français, nous a préparé 2 jours de mise en jambe. Laurent, c’est le genre taiseux : athlétique, yeux bleu acier, on sent qu’il a fait des trucs. Et renseignements pris, il connait son affaire : Guide de haute montagne dans les Alpes, professeur de parapente, un Paris Dakar et deux Angola – Le Cap en solo. Un bouquin à lui tout seul avec des histoires qu’il ne raconte pas mais que bon, tu te fais tout petit. Hyper concentré, ultra sérieux avec le brin de déconne qui va bien. Bref, on monte sur les bécanes, neuves.

Je fais un peu la tronche parce que j’ai une 250 cc (genre 2 fois le scooter en terme de cylindrée). C’est petit à mon goût. Chez les motards, on regarde la cylindrée. T’es sur un 1200, t’es beau. T’es sur une 250, t’es un Mickey (enfin c’est ce que je me disais, j’avais tort). Je monte sur la Honda CRF et on part joyeusement.

Et quand on arrive sur le terrain d’entraînement, disons que j’ai vite compris…

Du sable.

Alors là, si tu n’as jamais roulé (en voiture ou en moto) sur du sable, tu fais tout de suite moins le malin. Je rappelle à Laurent et Jean-Marc que je n’ai jamais fait de tout-terrain. « C’est le moment d’apprendre… » et ils avaient raison. Avec un prof qui a fait le Dakar et qui explique super bien, je prends confiance en 3 heures. On enchaîne les exercices pour apprivoiser la bête et le terrain. Dans le groupe il y a de tout : des bons, des super bons et un débutant (ma pomme). Tout le monde se gamelle. Et on avance. Se mettre debout sur la bécane et piloter avec les cuisses n’est pas le truc le plus naturel au début. Et pourtant c’est très rassurant : je me vois déjà le faire sur le scooter quand ca devient chaud. Et, tant qu’à faire, autant s’habituer car ca sera le régime pour les 5 jours à venir : debout 6h par jour. Parceque oui, autant le dire tout de suite, la Postal Road (le nom du trip en moto) c’est pas un truc de charlots : 1000 bornes en 4 jours, entre 6 et 8h de moto par jour.

Donc on finit le premier jour à avoir bouffé du sable. Le lendemain, mise en jambe sur les cailloux. Re-apprentissage : non, il ne faut pas regarder devant la roue. C’est mal, il faut regarder au loin sinon tu vas tomber. Et je suis tombé exactement pour cette raison, plusieurs fois même. Aucun bob bien sur, nous sommes carapaçonés comme des tortues Ninja (par 40° C).

Passé les 2 jours d’acclimatation, l’équipée sauvage s’en va. Je ne vais pas tout raconter parce que :

  1. Ca ne se raconte pas, ca se vit
  2. Je ne vais pas spoiler
  3. Les trucs vécus dans le désert restent dans le désert, surtout cette mémorable soirée arrosée de vin Sud Africain (qui tabasse à 14* avec le soleil que prennent les vignes).

En revanche, à noter :

  • le désert, en moto, seul sur sa selle (pardon, debout) a un pouvoir apaisant
  • Se faire 1 heure de piste toute droite le matin à 6h30 est méditatif
  • On a croisé plus d’autruches que d’humains pendant 3 jours
  • Des pistes où  200 personnes passent par an
  • Des bivouacs tout confort avec bière fraîche, wifi et douche chaude
  • Les braï (le barbecue Sud Af s’appelle un Braï, avec de la viande de dingue)
  • Un véhicule d’assistance conduit par un pilote comme j’en connais peu : suite à une pierre mal placée, le 4×4 a perdu ses freins. Kobus (le pilote) a donc conduit sur des pistes de la largeur du 4×4 sans frein, avec des pentes assez vertigineuses
  • Une réparation de maitre cylindre de frein faite avec un tube de moutarde en fer blanc
  • Un Laurent et un Jean-Marc aux petits soins avec pilotes et bécanes
  • Des ravitaillements essence au milieu des champs de Roïbos
  • Une connaissance aigüe de l’environnement et des petits coins où personne ne va jamais (meme certains patrons de bivouac ne connaissaient pas certaines pistes à 30 bornes de chez eux)
  • Etre capable de rouler à 90 km/h sur une piste rocailleuse alors que 30 km/h les pieds par terre aurait été ce que la raison m’aurait dicté une semaine avant (et se faire doubler par Laurent qui zig zague à 120 km/h)
  • Un arrêt dans une ferme à 350 bornes de la première ville et à au moins 70 bornes de la ferme voisine
  • Le passage dans un verger privé qui fait 30 km sur 40 (la moitié de la taille de l’ile Maurice), où le patron, motard aussi, te laisse passer « parce que c’est Laurent »
  • Les bouteilles de pinard fraîches laissées à des points stratégiques chez les fermiers pour entretenir l’amitié (et parce que d’autres motards détruisent tout et du coup ont mauvaise réputation)
  • Les en-cas et la nourriture maison préparés par Marcia, la femme de Laurent qui n’a pas dormi la veille de notre départ pour que tout soit frais et comme si on était sa famille.

Au final, l’Afrique du Sud est l’un des derniers pays où tu peux encore rouler 250 bornes dans le désert, sans croiser personne, dans un décor semblable au grand canyon, entre potes que tu ne connaissais pas.

Parce que, finalement, ca été ça : un voyage entre potes que je ne connaissais pas. Vivre des moments intenses, voir des paysages d’exception et échanger avec des gens normaux, ravis de profiter.

Et c’est accessible à tous : il faut juste savoir passer des rapports sur une moto et avoir fait au moins 1000 bornes. Une condition physique acceptable est nécessaire, et surtout l’envie de partager des moments forts. Y retourner avec des potes est la prochaine étape.

Voici les liens vers

  • Une autre vidéo, quand les riders sont déjà assez expérimentés

  • Le mail de Jean-Marc qui coordonne pour la France (basé à Paris (et qui danse super bien aussi)) : jean-marc @ endurafrica.co.za

Enfin, pour paraphraser Renaud : « quand j’y r’pense aujourd’hui, sur mon scooter je m’ennuie »