Pourquoi m’être fait viré par mes associés est la meilleure chose qui me soit arrivée…

6 Juin 2017.

J’ouvre ma boite mail.

Je lis un message, un peu long. Je le relis. Je le re-relis.

Je me lève, et, pour la première fois de ma vie, fais comme J.R. Ewing dans Dallas : je me sers un whisky.

Il est 18h.

Camille, ma fille, 11 ans à l’époque, me regarde d’un air bizarre, inhabituée de voir son père avec un verre. « Papa, qu’est ce que tu fais ? »

« Je viens de me faire virer »

(je ne lui dis pas, comme tu t’en doutes)

Sue Ellen Sandrine arrive. Je l’emmène dans la chambre, ferme la porte.

« Je viens de me faire virer »

(là, je lui dis).

Je viens de me faire virer de ma boîte, créée 11 ans plus tôt et fusionnée avec un compétiteur 1 an plus tôt.

Je viens de me faire virer par un de mes associés, par mail. Très Chic. 

Pas pour une faute, mais pour perte de confiance (réciproque d’ailleurs).

Pas un rond de coté, plus de salaire à la fin du mois et 3,000 € de crédit mensuel. Evidemment, je n’ai pas droit au chômage. 

11 ans que je bosse dans ma boite, que nous sommes passés par tous les états de la matière, que la boite est bénéficiaire (enfin, avant de la fusionner). 11 ans, jusqu’à 25 employés, survécu à un pivot, frôlé la correctionnelle à 2 reprises, embauche, débauche, et les vacances… abstinence (Référence). Elle a trouvé des clients, et à apporter du bonheur à tout le monde, actionnaires compris (premiers dividendes il y a 3 ans). OK, ce n’est pas Apple, mais c’est une boite qui a réussi à tracer sa route. Pas une croissance de dingue, mais une marque et des clients.

Le lendemain, j’appelle un des actionnaires. Sa conclusion (je cite) :

« Tu t’es bien fait enculer (*), mais faut pas trop que tu bouges sinon la boite ne vaudra plus rien (et tes actions non plus (comprendre : et les siennes également)) »

Donc là, autant te dire que je n’en mène pas large.

Ai-je commis une faute lourde qui me vaudrait une telle sanction ? Non ; d’ailleurs ce n’est pas l’objet de la rupture. Je ne m’entends plus avec mes nouveaux associés. Du classique. Lors de la fusion, je n’ai pas fait de Cash Out (je n’ai rien touché), car l’idée était 1+1 = 3. L’un des associés propose de racheter les actions à vil prix (et là je pense « comment te dire ??? « )

Au final, on m’aurait menti ?

Non, en fait pas vraiment. La raison de ce conflit est plus complexe. J’ai ma part de responsabilité (je le dis avec le recul). Eux aussi. Un mariage qui n’a pas fonctionné. J’ai été maladroit je le reconnais. Un peu naïf aussi. Bref, j’ai appris.

N’empêche que là, il y a un problème : manger, et vite. Quand on a mené sa barque pendant 11 ans, difficile de recommencer à zéro, surtout quand on ne l’a pas choisi.

Nécessité fait loi.

Je m’y mets. Foire un job en finale (après 4 entretiens, merci Matthieu pour l’opportunité). La boite me plaisait, le titre flattait mon égo, le salaire à 6 chiffres aussi. Mais quelque part, mon cerveau disait « Non, ce n’est pas pour toi » pendant que mon portefeuille disait « Magne toi coco ».

Les semaines avancent et je n’ai rien.

Je saoule un copain en mode lourd pour lui proposer du conseil (sorry Marc). D’autres amis (merci Julien, Matt, Germain, Daniel) me sollicitent pour des missions commerciales.

Et, finalement en 6 mois, je réussis à retrouver le même niveau de rémunération, nécessaire pour faire face aux échéances.

Et puis la machine reprend. A une énorme différence près : je n’accepte pas tout et, enfin, réfléchis à ce que je souhaite vraiment faire, et là où il y a le plus de valeur à apporter.

L’histoire finit bien (je vends mes actions un an plus tard). Ma conviction est qu’elle finit toujours bien, pour tout le monde, si on s’en donne la peine.

Plus de société à gérer. Tous les anciens membres de l’équipe originelle ont, sans exception, retrouvé du boulot dans de bonnes sociétés. La boite continue sans moi. Et la découverte qu’il existe quelque chose d’autre, de meilleur finalement.

Faire le point (bien obligé) pour savoir ce qu’on aime faire. Trouver là où on peut apporter la valeur. S’apercevoir que l’on peut rebondir. C’était au final un excellent temps.

Cette recherche ne s’est pas faite seul (François était là, une fois encore). Il aura fallu bien 24 mois pour digérer.

On m’a viré du pré. Finalement l’herbe était plus verte ailleurs.

 

Post Scriptum : là, avec le recul, je fais le malin pétri de sagesse. Soyons honnête tout de même, j’ai un temps eu envie de péter les genoux de mes anciens associés…

 

* en français dans le texte